Liban

Balade dans la «vallée des saints»

C’est du village de Bcharré, d’où est originaire le poète Khalil Gibran – célèbre pour son essai Le Prophète –, que démarre notre voyage dans la Kadisha, la «vallée des saints» libanaise. Bcharré, avec ses toits en tuile rouge et son double clocher, se trouve perché sur un plateau qui surplombe la «cuvette» de la Kadisha, une faille rocheuse au milieu de laquelle passe une vallée dont le fragile fil directeur est une rivière qui serpente entre les arbres. 

De Bcharré, à flanc de falaise, une route en lacets descend dans la plaine. Les points de vue sont à couper le souffle, quelques grappes de végétation s’accrochent à la roche abrupte – ocre et grise – qui laisse transparaître des cascades. Des dizaines de grottes naturelles se sont formées au fil des millénaires, parfois très difficiles d’accès (à plus de 1000 m d’altitude), ce qui a fait de la vallée un lieu de refuge naturel pour les communautés de la région, en particulier les premières communautés chrétiennes, les maronites, qui représentent encore aujourd’hui environ 20 à 25% de la population libanaise.

Refuge des chrétiens

À certaines époques, la vallée aurait accueilli près de 200 ermites et des centaines de moines. Tous se sont plusieurs fois retrouvés persécutés, notamment à la fin de la période des croisades, par les sultans mamelouks, au XIIIe siècle. 

On trouve aujourd’hui dans la vallée la plus forte concentration de monastères et d’ermitages rupestres remontant aux origines du christianisme. 

Les Libanais, quelle que soit leur religion, aiment venir randonner dans la Kadisha et visiter ces monastères. 

En contrebas de Bcharré, Mar Lichaa – du nom d’un prophète de l’Ancien Testament – est l’un des couvents les plus accessibles, niché au-dessus de champs d’oliviers. Se fondant avec la roche, il daterait de 1315, et les patriarches de Bcharré auraient été ses premiers habitants. Il abrite une petite église et quelques cellules de moines, mais n’est plus fonctionnel depuis plusieurs années. Du couvent, un large chemin terreux au milieu des arbres, parsemé de croix, conduit dans le fond de la vallée. 

Tout autour sont encore visibles de nombreuses cultures en terrasses, où les moines et les habitants de la région font pousser la vigne et les céréales. Si la plupart ont été abandonnées, quelques-unes subsistent toujours. 

Avant de parvenir au pittoresque couvent de Qannoubine, le plus ancien de la région, le restaurant d’Abou Joseph – le seul planté au milieu de la vallée – arrive à point nommé pour déguster quelques mezzés libanais au frais. Les infrastructures touristiques se sont peu développées dans la vallée, ce qui lui a permis de préserver toute son authenticité. 

On accède à Deir Qannoubine par un petit chemin pentu et rocailleux. L’endroit est plus intime et calme que Mar Lichaa, avec sa terrasse ombragée, sa grande cloche, sa chapelle blanche avec des fresques murales colorées remontant au XVIIIe siècle.

Les derniers ermites du Liban

Encore plus haut dans la montagne se trouvent quelques restes du couvent Notre-Dame de Haouqa. 

C’est là que vit depuis une dizaine d’années l’un des trois derniers ermites de la vallée de la Kadisha, l’étonnant père Dario Escobar. Le couvent le plus proche lui apporte deux fois par semaine sa nourriture, un seul repas végétarien par jour, à 2 h du matin. 

En redescendant dans la vallée, le chemin de randonnée se poursuit avant de s’effacer progressivement. Il faut poursuivre par des sentiers non balisés pendant plusieurs heures avant d’atteindre la dernière étape, le couvent le plus imposant de la vallée: Saint-Antoine de Kozhaya. Au coucher du soleil, sa majestueuse façade prend de belles teintes orangées. Le portail d’entrée, de style arabe, s’ouvre sur une grande cour dotée d’une fontaine et offrant de superbes vues sur la vallée. Une petite église avec trois clochers est adossée à la paroi rocheuse. 

Pour profiter pleinement du lieu, il est possible d’y passer la nuit. Il peut accueillir jusqu’à 60 visiteurs. Avec en prime un lever de soleil sur la vallée… en attendant de se perdre de nouveau dans les multiples sentiers de la Kadisha.

Encadré 

Une saison touristique 2013 catastrophique

«L’année 2013 a été une très mauvaise année pour le tourisme libanais», résume Paul Achkar, président de la Fondation des associations touristiques au Liban. Les grands hôtels de Beyrouth sont restés désespérément vides, certaines infrastructures touristiques, dans la montagne libanaise, n’ont même pas ouvert leurs portes cet été. Sur les six premiers mois de 2013, le nombre de touristes a baissé de 13,5%. En fait, la chute se poursuit depuis deux ans, soit depuis le début de la crise syrienne: par rapport à l’année 2010, le nombre de touristes en 2013 a dégringolé de 43%. Les attentats qui ont visé le Liban cet été ont porté un nouveau coup dur au tourisme libanais, qui représente traditionnellement l’un des poumons de l’économie du pays, soit environ 9% du PIB.

Peut-on encore visiter le Liban sans risque? Même si certaines zones restent déconseillées – en particulier celles proches de la frontière syrienne –, certaines régions, en particulier chrétiennes (comme la vallée de la Kadisha), sont encore tout à fait accessibles et ne présentent aucun risque majeur, surtout si l’on fait appel à des agences.

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